Santiago. Le hasard a fait que lorsque je suis entrée dans la Casa Roja, Paula et Isidora se trouvaient au fond du couloir, la gamine m'a sauté dans les bras. Je me demande comment elle fait pour retenir tous ces visages. Rien avait bougé,  j'y ai retrouvé la famille que j'avais laissé, les mêmes sourires, et les bras qui te serrent fort le matin.
Cette fois en revanche, il faudrait que je réécrive tout Santiago. C'est si grand, que le plaisir commence la deuxième fois. À arpenter les rues avec Francisco dans Providencia, Bellas Artes, même lui s'est étonné de trouver de la bohème dans des quartiers, que la routine lui avait enlevé, avec Céline j'ai découvert le Barrio Italia et ses petites rues en pavés où l'on oublie qu'autour de nous fourmillent presque 5.000.000 d'habitants, au marché central au milieu d'étalages débordants de poissons de tous noms, avec Charles le plaisir d'une soirée sur la terrasse de son appartement en haut d'un building avec une vue imprenable sur la capitale, avec Cintya la folie des nuits de Santiago, avec Ignacio qui m'a raconté sa vie d'étudiant. J'ai alors trouvé la place des Armes belle, et la Moneda chargée d'émotions maintenant que j'ai tout compris.

Valparaiso. Toute première fois où j'ai failli sentir de l'insécurité. 12h, station centrale, je me reveille tout juste d'un gros dodo. Je sors du bus les yeux gonflés. Ça grouille,  ça crie, ça dort par terre. Je n'étais plus habitué à ça. Je me sens un peu oppressée. Il faudra attendre de faire la connaissance de Camilo, pour connaître l'histoire de la ville et découvrir les fameux coups de pinceaux qui rendent ce lieu exeptionnel. Ça m'a rappelé Lisbonne. Pas de rues bien tracées mais des ruelles dans tous les sens, on monte, on descend, en funiculaire, ou avec ses petits mollets, il faut s'y perdre pour s'y trouver. Il y a mille choses à entendre et à regarder. Des dessins, de la trompette, des couleurs, du violon, des artistes qui se laissent aller. Ici on a pas idée de regarder ses pieds, on a juste l'exitation de ce sur quoi on va tomber en haut du prochain escalier.
Je discute avec le gérant de l'auberge, "tu veux que je te dise, Valparaiso, la journée elle est belle comme une princesse, mais la nuit elle se transforme en putain." D'accord...
J'étais donc pas mécontente lorsque Julien et sa bonne dose d'humour, client lui aussi de l'auberge, m'a proposé de sortir le soir en ville avec lui. On l'a en effet rencontré la débauchée. Il semble bien que tout peu basculer, mais difficile de ne pas s'ennivrer, tellement c'est vivant! Ça part dans tous les sens, alors, tu pars toi aussi dans tous les sens. Et en une soirée, tu fêtes la victoire de l'équipe de foot de Santiago avec les locaux, puis tu arroses ça dans le bar d'en face, à peine sortie tu te fais happer par l'ambiance de celui 10 mètres en dessous, avant de te retrouver dans une cave à écouter un concert de métal et à pleurer de rire. Puis boom. 4h, rue Ecuator. Assis sur un trottoir, la rue est bondée, les verres débordent. Et soudain d'une vague, des centaines de gens qui courent en bas de la rue. Nous, comme deux cons, on reste assis, on attend peut-être de se faire piétiner (ben alors ils veulent déjà tous rentrer?), faut dire qu'à cette heure tardive le seuil de la normalité a pris de l'altitude... avant de voir les lumieres bleues et (enfin) de comprendre. Un mec fini par nous faire signe, cachez vos verres et suivez moi. Des dizaines de flics, à pieds, en voiture, en moto. C'est comme ça qu'ils vident les rues à Valparaiso. 
Au petit matin, je retrouve les bras de la princesse, et m'y perd à nouveau quelques heures, avant que le trolley, le plus vieux d'Amérique latine, me raccompagne, à la station centrale. 

Santiago. Si j'avais imaginé avoir un pincement au coeur en partant d'ici. Ça ressemble un peu à la fin d'une étape. Je m'en vais à nouveau là où tous les visages me sont inconnus. 
Francisco tenait à être là pour me dire au revoir. Avant que je monte dans le bus, il me glisse dans la main un recueil de poèmes de Bolaño, un auteur Chilien. Je regardais les lumières de Santiago s'éloigner quand je l'ai ouvert. Au milieu, une feuille de papier, dessus un petit mot d'amitié. Ce beau marque page se trouvait sur un poème intitulé, "la Francesa".